
Le multitâches est-il efficace ? Illusion ou réalité ?

Le multitâches est-il vraiment une compétence ? Dans notre société, il est souvent présenté comme un symbole d’adaptabilité, de productivité et d’efficacité. Chacun de nous, à un moment donné, s’est senti fier de jongler avec plusieurs tâches en même temps. Pourtant, cette illusion de « polyvalence » a façonné nos vies professionnelles bien plus qu’elle ne les a servies.
Persuadée de ses bienfaits, j’ai moi-même pratiqué le multitâches pendant des années. Accomplir plusieurs missions en parallèle me donnait un sentiment de valeur ajoutée et d’accomplissement. Mais l’accumulation des responsabilités m’a fait réaliser que cette efficacité n’était qu’une façade. Les avancées des neurosciences m’ont ouvert les yeux : le multitâches est une illusion d’efficacité qui finit par nuire à notre bien-être.
C’est dans cette quête de compréhension que je vous invite à plonger dans cet article. Mon objectif est simple : partager une réflexion qui, je l’espère, vous inspirera à repenser votre rapport au travail. Oui, une autre approche est possible : créer un équilibre plus sain entre productivité et bien-être.
Définition & origines
D’après la définition de la National Library of Medicine, être multitâches, c’est tenter d’effectuer deux actions ou plus simultanément, souvent en laissant une tâche inachevée pour en commencer une autre. Cela conduit à basculer de manière répétée entre les tâches. Cette impression d’efficacité m’a moi-même séduite pendant des années : je voulais finir plus vite mes missions pour mieux attaquer les suivantes. En réalité, je tournais dans un cercle sans fin.
Saviez-vous que la première utilisation publiée du mot « multitâches » serait apparue, en 1965 ? C’est un article d’IBM qui faisait la promotion de la capacité d’un de leurs systèmes ? Le terme a depuis été appliqué aux tâches humaines. Mais avant 1965, le mot multitâches semble ne pas exister. Donc, mon expérience du concept est certainement bien différente de celle de ma mère ou de la génération précédente. Quelle sera la nouvelle définition du multitâches de la future génération ?
Différence entre « Multitâches » vs. Polyvalence
Parfois interchangeables, il est important de distinguer la polyvalence du concept de multitâches. La polyvalence se réfère à la capacité d’une personne à effectuer efficacement différentes tâches. Cela ne nécessite pas nécessairement de faire plusieurs choses simultanément. Cependant, il s’agit d’avoir un large éventail de compétences et de savoir-faire. Le multitâches fait référence à la capacité de réaliser plusieurs tâches différentes en même temps. Cela implique de diviser son attention entre plusieurs activités simultanément. Par exemple, répondre à des e-mails tout en participant à une réunion en ligne et en prenant des notes.
La pratique constante du « multitâches » pourrait limiter le développement de nos compétences réelles. Tout faire en même temps, c’est le risque de ne pas développer nos compétences pour exceller dans un domaine. A force, cela peut compromettre notre véritable polyvalence. Celle-ci repose sur la maîtrise de différentes compétences plutôt que sur la jonglerie entre plusieurs tâches.
Pourquoi nous croyons encore au multitâches ?
Les Origines et la Célébration du Multitâches
Les avancées technologiques ont largement contribué à la montée en puissance du multitâches dans notre société. Il me semble que le temps s’écoulait un peu plus lentement au temps du fax et du courrier postal ! A l’ère d’Internet et de ChatGPT, nous créons des exigences de plus en plus croissantes dans le monde du travail. J’ai longtemps considéré qu’être multitâches était un critère de réussite. Cela m’évoquait ces images de productivité et d’efficacité. La culture de la « surcharge de travail » a alimenté cette tendance. Avec le recul, on doit être nombreuses à réaliser qu’on a confondu le multitâches et le rythme épuisant du monde professionnel avec la polyvalence.
L’impact caché du multitâches sur la performance et le bien-être
Souvent, l’illusion d’être efficace s’accompagne d’une hausse de stress et d’anxiété. Malheureusement, cela affecte notre propre perception de notre performance. Essayer de faire plus d’une chose à la fois est incontestablement stressant. Après seulement 20 minutes d’interruptions, les gens commencent à ressentir la frustration. Une étude de l’Université de Californie, « The Cost of Interrupted Work: More Speed and Stress », a révélé que les interruptions constantes menaient à une augmentation de la vitesse de travail, mais à une diminution de la production.
La recherche a même trouvé une corrélation entre l’utilisation du courrier électronique, le stress et les troubles de santé. Cela inclus l’hypertension artérielle et les maladies cardiaques ! Les scintigraphies cérébrales révèlent que les multitâches chroniques ont moins de matière grise ! Cela est vraiment triste car cela pourrait être lié à la dépression, à l’anxiété et à un mauvais contrôle des impulsions.
L’Illusion de l’Efficacité : Le Véritable Coût du Multitâches
Malgré l’engouement pour le multitâches, il faut reconnaître que les gains réels en termes de productivité sont souvent minimes. En réalité, passer d’une tâche à l’autre nécessite une période d’ajustement mentale, entraînant des pertes de temps et de concentration.
Quand notre cerveau reçoit trop d’informations à la fois, une partie dédiée (cortex préfrontal latéral postérieur) prend le relais. Il agit comme une plaque tournante pour le routage de nouveaux stimuli. Il alignera ces stimuli dans une file d’attente au lieu d’essayer de les gérer simultanément. Si de nouvelles informations arrivent trop rapidement, il met en file d’attente les deux premières informations. Il ignore le reste ! Cela permet au cerveau de mieux gérer son flux d’informations et d’éviter d’être dépassé par une surcharge. Pour parler autrement, cela lui permet de ne pas griller !

Les impacts du multitâches et comment s’en libérer ?
Les limites naturelles de notre cerveau
Notre cerveau n’a pas été conçu pour faire plusieurs choses à la fois. Il peut automatiser certaines actions simples (marcher et parler, boire un café en conduisant), mais dès qu’il s’agit d’apprendre, de réfléchir ou de se concentrer, il ne peut traiter qu’une seule information à la fois.
En fait, nous pensons que c’est nous, l’être humain, qui avons le contrôle. Or, c’est le cerveau, dont on est équipier finalement, qui est responsable de la gestion de notre attention et de notre contrôle. S’il grille, on est grillé !
Quand nous passons d’une tâche à l’autre, il ne « double pas ses capacités », il se fatigue. Chaque basculement coûte de l’énergie, fragmente l’attention et réduit la productivité de près de 40 %. À la longue, cette surcharge entraîne frustration, stress, erreurs et fatigue mentale.
Les conséquences sur la concentration et la créativité
Le multitâches donne l’illusion d’avancer, mais il disperse l’esprit. Même de brèves interruptions suffisent à casser le fil d’une réflexion. Résultat : baisse de la qualité du travail, augmentation des erreurs, perte de créativité. Au lieu de stimuler nos capacités cognitives, le multitâches les grignote peu à peu.
Ironiquement, les preuves démontrent que le multitâches n’améliore pas notre productivité. Chaque interruption nécessite 20 à 30 minutes pour reprendre le flux de travail précédent. En fait, faire 2 choses à la fois prend du temps. En plus de nous ralentir, l’aspect multitâches augmente le nombre d’erreurs que nous faisons. Une étude révèle que les sujets à qui on a confié 3 tâches font 3 fois plus d’erreurs que ceux à qui on a donné 2 tâches.
Une addiction déguisée
Pourquoi continuons-nous malgré tout ? Parce que le multitâches agit comme une récompense immédiate. Chaque notification, chaque tâche accomplie déclenche une petite dose de dopamine, cette molécule du plaisir. On se sent « productif » … alors même qu’on s’épuise. Ce mécanisme explique pourquoi il est si difficile d’arrêter.
Je ne connaissais pas l’aspect addictif du multitâches excessif ! Celui-ci répond aux critères d’une dépendance. Comme toute dépendance, le multitâches finit par coûter cher : non seulement en énergie personnelle, mais aussi à l’échelle mondiale, avec des pertes colossales.
Au-delà des mythes: hommes, femmes et multitâches
Une croyance (qu’on connait toutes et tous) est que les femmes sont meilleures pour accomplir plusieurs tâches en même temps. En réalité, les études montrent que les différences de genre sont minimes.
Ce ne sont pas nos chromosomes qui font la différence, mais nos expériences, nos habitudes et nos compétences personnelles. Le vrai défi n’est donc pas une question de sexe, mais d’entraînement de l’attention.
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Comment retrouver efficacité et équilibre?
La première étape est de redéfinir nos priorités. Accepter de faire moins… mais mieux. La gestion du temps et une planification stratégique peuvent aider à hiérarchiser les tâches importantes. Des méthodes simples aident à reprendre le contrôle :
- Consacrer des blocs de temps à une seule tâche (méthode Pomodoro, batch de mails, etc.),
- Utiliser des listes courtes et réalistes (3 priorités par jour maximum),
- Instaurer des routines claires et des pauses régulières.
En accordant une attention intentionnelle à chaque tâche, nous pouvons accroître notre engagement et notre efficacité. Ce qui n’est pas négligeable, c’est la partie invisible de l’iceberg car on commence à recâbler son cerveau. En effet, on bloque les distractions et on augmente la concentration pendant de longues périodes. L’avantage de cette méthode, c’est qu’on peut créer une nouvelle habitude.
Enfin, la pleine conscience reste l’antidote naturel au multitâches. Méditer quelques minutes, respirer profondément, observer son environnement : ces pratiques recentrent l’attention, réduisent le stress et entraînent le cerveau à rester dans le moment présent. À long terme, elles renforcent la clarté mentale et même la santé cellulaire.
Sources
- PubMed – Multicoûts du multitâche– Madore KP, Wagner AD. Multicosts of Multitasking. Cerebrum. 2019 Apr 1;2019:cer-04-19. PMID: 32206165; PMCID: PMC7075496
- BrainFit – 7 façons dont le multitâche nuit à la santé et aux performances
- INDEED : Dangers du Multitâches
- Pubmed – Différences entre les sexes dans l’expérience et les performances multitâches. Lui KF, Yip KH, Wong AC. Gender differences in multitasking experience and performance. Q J Exp Psychol (Hove). 2021 Feb;74(2):344-362. doi: 10.1177/1747021820960707. Epub 2020 Sep 28. PMID: 32933422
- The University of Utah – Frequent Multitaskers Are Bad at It
- Research Gate – The cost of interrupted work: More speed and stress
- Health US News – Health Buzz: Multitasking May Shrink Your Brain
- University of Southern California – Le multitâche présente-t-il des avantages ?
- Science.org – Le multitâche divise le cerveau